Deux siècles d'activités préfectorales dans les Alpes-de-Haute-Provence


L’installation de l'administration préfectorale dans les Alpes-de-Haute-Provence
Les Alpes-de-Haute-Provence avant la Ve République
Le Préfet en temps de guerre
Le Préfet sous la Ve République

 
 

CHRONOLOGIE DES FONCTIONS PRÉFECTORALES DE 1800-1958

Le Consulat et l’Empire (1799-1814, 1815)

Loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) : création des préfets. Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur, s’ingénie à trouver des gens d’expérience, n’ayant aucune attache locale ; il définit l’esprit dans lequel les préfets doivent travailler et les domaines dans lesquels leur rôle est essentiel à la reconstruction du pays.

En l’an IX (1801), Chaptal, successeur de Lucien Bonaparte, est un savant et un industriel qui diversifie les attributions de la fonction préfectorale. Il fait appel aux préfets dans différents domaines : la généralisation du système métrique, l’industrie, la santé publique, les enfants abandonnés.

Durant tout l’Empire, les préfets sont très occupés par les affaires militaires :
organisation de la Garde nationale, levées de troupes, lutte contre les déserteurs, recrutement des contingents…

La Restauration (1814, 1815-1830)

L’armature préfectorale est conservée même si dix ministres de l’Intérieur se succèdent durant cette période. L’administration apparaît alors routinière et sans éclat. Tout en continuant d’assurer ses tâches militaires, elle parachève l’assainissement des finances, précise la comptabilité publique, amorce la déconcentration.

La Monarchie de Juillet (1830-1848)

Durant cette période on assiste à une épuration et à un renouveau du corps préfectoral qui devient véritablement l’artisan de l’expansion économique.
 Il participe au développement de l’enseignement primaire, à l’extension des voies de communication.

La Seconde République (1848-1852)

" Déconcentration et décentralisation " (décret du 25 mars 1852) sont les maîtres mots des changements opérés. On peut gouverner de loin mais on administre que de près, écrit dans sa circulaire Persigny, ministre de l’Intérieur, pour qui il importe de centraliser l’action gouvernementale mais de décentraliser l’action administrative. À l’exception des budgets départementaux, des impositions extraordinaires et des délimitations territoriales, les préfets statuent désormais sur toutes les affaires départementales et communales.

Le Second Empire (1852-1870)

C’est l’affirmation du corps préfectoral : création de l’avancement sur place, de l’honorariat.Le rôle du préfet apparaît essentiel dans les domaines économiques et sociaux, notamment : bienfaisance, secours mutuels, caisses d’Épargne, réglementation du travail, développement de l’instruction primaire et technique.

La Troisième République

1870-1877. L’unité nationale est maintenue malgré la guerre, l’instabilité des fonctions et les troubles politiques.
 (Le pays hésite entre la Restauration monarchique et la République).

Les préfets jouent un rôle important dans le domaine des affaires militaires : recrutement, organisation, mesures de sécurité, problèmes de ravitaillement.
Mais ils connaissent aussi des difficultés sous Mac Mahon, la fonction étant rendue fragile par la grande instabilité politique.

1877-1898. Avec l’installation d’une république démocratique modérée, le corps préfectoral retrouve stabilité et homogénéité sur des bases républicaines.
"La séduction, le sens de l’opportunité, la finesse et l’instinct sont les vertus préfectorales".

1898-1914. La République radicale entraîne la consolidation républicaine et l’affirmation des préfets qui jouent leur rôle dans un monde qui change.

Guerre de 1914-1918

Dans une situation exceptionnelle, la tâche des préfets est énorme et d’une grande diversité; leur dévouement est aussi exceptionnel :"Le Français a tenu, le préfet a maintenu".

Entre les deux guerres, 1918-1939

La vie politique et la vie administrative préfectorale, sans se confondre, suivent des voies strictement parallèles et parfois si proches que l’on peut parler de symbiose. Il y a pourtant une grande diversité du corps préfectoral, " à chaque région, son style de préfet ".

L’État français : Vichy, 1940-1944

De juillet à décembre 1940, la moitié des préfets (45) abandonnent leur poste. En 1943 et 1944, environ vingt préfets sont exclus ou révoqués par les occupants. Durant l’occupation, une trentaine de préfets sont déportés, six paient de leur vie, d’autres sont emprisonnés ou poursuivis par les Allemands.

À la Libération, si les épurations ont été parfois brutales, les mesures prises sont très diverses : treize condamnations à mort, quatorze condamnations à l’emprisonnement ; certains sont condamnés à l’indignité nationale et un grand nombre est acquitté.

La Quatrième République, 1944-1958

Après la guerre, et durant les premières années de la Quatrième République, l’instabilité préfectorale se perpétue : en 1945 et 1947, un tiers des préfets change de poste, en 1946 les deux tiers.

Le titre 10 de la Constitution de 1946, dans son article 88, précise leur rôle mais sans pourtant les nommer : la coordination de l’activité des fonctionnaires de l’État, la représentation des intérêts nationaux et le contrôle administratif des collectivités territoriales sont assurés, dans le cadre départemental, par des délégués du gouvernement désignés en Conseil des ministres.

   
 

L’INSTALLATION DE L'ADMINISTRATION PRÉFECTORALE DANS LES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE

Napoléon met au point la première administration cohérente et rationnelle. Il crée, par la Constitution de l’an VIII [1800], le corps des fonctionnaires français.

Le cadre de l'administration préfectorale dans les Alpes-de-Haute-Provence

Le cadre départemental existait déjà de par le décret de l’Assemblée Nationale du 15 février 1790. Le département du " Nord de la Provence " est appelé aussi durant quelques semaines "Haute Provence" pour devenir "Basses-Alpes".

(C’est par décret du 13 avril 1970 que les Basses-Alpes deviennent Alpes-de-Haute-Provence).

Le département est alors provisoirement divisé en 5 districts dont les chefs-lieux sont Digne, Forcalquier, Sisteron, Castellane et Barcelonnette, eux-mêmes divisés en 45 cantons au total. Rapidement de nombreuses contestations se font jour et des modifications interviennent dans les limites du département, des districts, des cantons et même des communes. Se pose également la question du chef-lieu, mais malgré quelques contestations, le choix de Digne, défendu par Gassendi, curé de Barras et député du clergé, fait rapidement l’unanimité et dans sa séance du 8 décembre 1790 l’Assemblée départementale vote l’achat du couvent des Récollets (actuel tribunal) pour y installer le directoire, ses bureaux, ses archives et pour y tenir les séances de l’assemblée administrative.

Les districts sont supprimés en 1795 et en 1800 les sous-préfectures adoptent exactement ce découpage; celles de Castellane et de Sisteron seront supprimées par la loi du 10 septembre 1926, seule celle de Castellane sera rétablie par la loi du 1er juin 1942. Quant aux cantons, ils ne sont plus que 30 au début du XIXème siècle et les communes sont au nombre de 255.

La loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800)

Bonaparte impose une centralisation dont l’institution préfectorale, créée par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) est l’expression : le préfet, nommé et révoqué par le Premier Consul, est le seul administrateur du département. Il est assisté par un Conseil général de département qui répartit les contributions directes et par un Conseil de préfecture qui statue sur le contentieux.

Les préfets sont choisis sur la liste des notabilités départementales et recrutés dans tous les secteurs de l’opinion, certains sur place, d’autres venant de l’extérieur du département. Le plus souvent, on les choisit pour leurs capacités techniques et administratives.

La circulaire du 21 ventôse an VIII (12 mars 1800)

En mars 1800, les préfets qui ont rejoint leurs départements, reçoivent une circulaire du ministre de l’Intérieur, Lucien Bonaparte, qui leur explique, en huit pages, leur rôle à la tête d’un département, ou plutôt "l’esprit qui doit les diriger".

"La Révolution est finie" et les préfets sont appelés à "seconder le gouvernement dans le noble dessein de restituer la France à son antique splendeur […], d’asseoir ce magnifique édifice sur les bases inébranlables de la liberté et de l’égalité".

Lucien Bonaparte définit le rôle des préfets dans différents domaines : s’occuper de la levée de la conscription et des réquisitions, "excitez dans tous les cœurs l’élan de l’honneur français"; assurer la rentrée des contributions directes et surveiller "avec sévérité" toutes les caisses du département ; "aimez, honorez les agriculteurs" et "protégez le commerce"; il leur faut aussi visiter les manufactures et encourager les arts, s’occuper sans relâche des grandes routes pour faciliter les communications, visiter les établissements de bienfaisance; enfin, "s’occuper de la génération qui commence" en donnant des soins à l’éducation publique.

Le premier Préfet des Basses-Alpes

Louis Texier-Olivier est né à Reignac-sur-Indre (Indre-et-Loire) le 3 avril 1764. Commissaire du directoire exécutif près l’administration centrale d’Indre-et-Loire (an IV - an VI), député de ce département, il est nommé préfet des Basses-Alpes le 11 ventôse an VIII (2 mars 1800); il est installé dans ses fonctions le 14 germinal suivant.

Le 29 avril 1800, à peine deux mois après son installation, le Préfet s’adresse aux habitants du département pour les rassurer sur la mise en place de la nouvelle administration, pour leur assurer le retour au calme : liberté, paix et concorde, pardon, union, sont les priorités de Louis Texier-Olivier. "Nous serons alors les citoyens d’un État véritablement libre et nous prouverons à l’univers que, si la tourmente est la compagne des révolutions, la sagesse sait y mettre un terme et consolider les institutions qui en naissent".

D’autres Préfets dans les Basses-Alpes

De 1800 à 1815, le département compte six préfets ; c’est le Préfet Jean-Pierre Duval qui détient le record de la longévité préfectorale : de 1805 à 1815.

Incontestablement de toutes les figures du département au cours du XIXe siècle, le Préfet Alexandre de Lameth se détache plus particulièrement, très aimé par la population. Né à Paris le 29 octobre 1760, il est député de la noblesse de Péronne aux États généraux, prisonnier des Autrichiens, émigré (Angleterre, Allemagne) de 1795 à l’an VIII. Nommé préfet des Basses-Alpes le 23 germinal an x (13 avril 1802), installé le 12 ventôse, il organise son action autour de trois axes : régénérer les mœurs par le rétablissement du culte et en particulier par l’installation à Digne de l’évêque choisi par le Diocèse, renforcer l’accès à l’éducation, agrandir et entretenir le réseau routier.

L’aménagement de la ville de Digne lui tient à cœur ; il donne l’idée de " cette belle promenade " destinée à joindre le Pré de foire au pont de Bléone et d’une plantation de platanes le long du boulevard Gassendi. C’est en l’an XIII qu’Alexandre de Lameth quitte le département pour celui de Rhin-et-Moselle.

Les locaux de la préfecture et des sous-préfectures :

La Préfecture des Alpes-de-Haute-Provence se trouve depuis 1811 dans l’ancien couvent des Ursulines, sis quartier de " Soleil Bœuf ", jadis quartier des corroyeurs. D’après l’abbé Féraud, la seconde supérieure, Marthe Jaubert installa en 1653 la communauté des Ursulines, arrivées de Montélimar, dans des bâtiments construits spécialement. Cet immeuble fut nationalisé à la Révolution et occupé successivement par les bureaux du district et par la prison avant d’accueillir la Préfecture.

Les bureaux de la préfecture furent donc d’abord installés dans l’ancien couvent des Récollets (actuel palais de justice), bien national cédé au département sans contrepartie de loyer. Il était en mauvais état : en 1803 une aile s’effondra ; en 1807 la chapelle menaçait ruine.

Le 15 décembre 1810 le Préfet Duval acheta à la Caisse d’amortissement, au nom du département et moyennant la somme de 25 000 francs, le domaine et le couvent des Ursulines. La vente fut approuvée par décret impérial donné à Moscou le 13 octobre 1812. Le 1er mai 1811 des travaux destinés à aménager le couvent des Ursulines pour y établir les bureaux du Conseil général, des Archives, de l’Imprimerie, de la caserne de gendarmerie de réserve et des appartements du Préfet furent mis en adjudication.

Le 30 janvier 1813 l’acquisition de la préfecture fut complétée par celle d’une maison sise en face, avec cour, destinée à servir de remise, écurie et magasin de fourrage. En 1819 de nombreux travaux achevèrent l’adaptation du bâtiment à ses fonctions.

Peu d’événements s’y déroulèrent, les Basses-Alpes étant d’ordinaire un département paisible. Il faut signaler qu’en décembre 1851, elle fut occupée par les insurgés. En 1854, l’Inspection académique vient s’installer à la préfecture. En revanche, la caserne de gendarmerie de réserve ainsi que l’imprimerie la quittent à une date indéterminée. En 1876, les Archives à leur tour rejoignent un bâtiment construit pour les abriter. C’est en 1914 que le chauffage central y fut installé.

Ainsi, ce vieux bâtiment sut sans cesse se moderniser et se plier à de nouvelles exigences.

Quant aux sous-préfectures elles louent pendant très longtemps leurs locaux dans lesquels s’installent le sous-préfet et ses services. À Sisteron, ce n’est qu’en 1902, après donc un siècle de location, que l’administration est enfin " dans ses murs " comme le note le premier occupant, le Sous-préfet Simoneau.

   
 

LES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE AVANT LA Ve RÉPUBLIQUE

La population du département :

La population du département connaît une période de croissance régulière depuis le début du XIXe siècle jusqu’en 1836 où elle atteint son maximum : an XII (1803) : 133 966 habitants, 1836 : 159 045 habitants. Dix années plus tard, en 1846, la population commence à décroître et ce mouvement va se poursuivre jusqu’en 1946 : 83 354 habitants.

C’est à partir de 1954 que s’amorce la remontée (84 335), toujours d’actualité puisqu'au 1er janvier 2011, le département comptait 157 965 habitants.

La dépopulation du département entre 1846 et 1946 est apparentée à l’exode rural général en France, avec toutefois des particularités locales :

  • 1821-1835 : un excédent de naissances est la cause presque exclusive de l’accroissement de la population, l’excédent d’immigration n’y ayant contribué que dans une mesure insignifiante.
  • 1836-1865 : la diminution de population est due à l’excédent d’émigration tandis que les naissances s’équilibrent avec les décès.
  • 1866-1920 : c’est à la coexistence de l’excédent d’émigration et de l’excédent des décès (notamment la guerre) que doit être attribuée la diminution de la population.

L’industrie

La renommée lourde et persistante de pauvreté, presque de détresse, pesait depuis fort longtemps dans le département. En 1830, le préfet affirmait que le département des Basses-Alpes "est sans contredit un des plus pauvres de France".

Au début du XIXe siècle, de petites industries sont disséminées sur le département : faïenceries de Moustiers, plâtrières de Digne et principalement fabriques de drap et de toile (chanvre et lin), tout particulièrement dans la région du Haut-Verdon.

Dans l’arrondissement de Barcelonnette on fabrique "une toile d’usage habituel des habitants de la campagne qui en font des chemises, des sacs et des draps pour la rentrée de la récolte".

Quant à l’arrondissement de Castellane, on y trouve à la même époque, 1 416 ouvriers employés à la filature et 86 au tissage.

La soie est filée, surtout dans l’arrondissement de Forcalquier (4 filatures en 1843). Le 21 germinal an X (9 avril 1802) le Sous-préfet de Forcalquier, Clémentis, renseigne le préfet sur la manière de filer la soie dans son arrondissement et il note : "La soie de Forcalquier a la réputation d’être des premières qualités en foire de Beaucaire. Les commerçants de Lyon la recherchent".

En 1837, le rapporteur de la commission industrielle de l’arrondissement de Sisteron, établit pour le préfet un projet d’extension des ressources industrielles en faisant l’état des matières premières existantes : les troupeaux de moutons fournissent 1 200 quintaux de laine; on récolte annuellement 120 quintaux de cocons qui donnent de la soie grège ; le marbre des montagnes; la force motrice des trois rivières; la main-d’œuvre qui se trouve à bon compte"; les communications : le prix du transport n’est pas cher. Les usines alors existantes sur l’arrondissement sont les filatures, des tanneries, une papeterie, une scierie, des moulins à farine et à huile.

Au milieu du XIXe siècle, les activités industrielles n’occupent encore que 9,7 % de la population active. Après la guerre de 1914, peu de transformation et de mécanisation, la seule véritable usine est celle de Saint-Auban ; les autres restent des activités artisanales et de nombreux rapports au préfet entre 1925 et 1939 font état de briqueteries, conserveries alimentaires, fours à chaux, papeterie, scieries et distilleries de lavande. La main-d’œuvre vient souvent à manquer et en particulier au moment des récoltes où les ouvriers redeviennent paysans.

Les répercussions de la crise de 1929 ralentissent encore certaines activités du département comme celle de l’usine de Saint-Auban ; mais c’est surtout l’agriculture bas-alpine qui est touchée : le blé se vend mal, les prix à la production baissent.

En 1963, un rapport du préfet rappelle cette renommée de pauvreté du département et expose les possibilités certaines d’expansion économique : richesse agricole, mise en valeur du capital touristique exceptionnel, développement d’une économie de montagne et l’aménagement des cours de la Durance et du Verdon.

Le commerce

Les droits d’octroi sont les taxes que les villes lèvent sur certaines denrées qui entrent dans leur enceinte. Établis pour la première fois en France en 1323, ils furent supprimés en 1948.

Le préfet reçoit régulièrement les relevés des différents octrois des villes du département qui sont des indicateurs de la consommation et permettent le contrôle des prix.

Le préfet est également destinataire des états des faillites portées devant les tribunaux et de rapports généraux réguliers sur la situation économique du département.

L’agriculture

Quelques exemples de productions : coton, pastel pour l'indigo, miel, lavande, olivier,...

Sous l’Empire, les différents ministères demandent aux départements d’être des "terres d’expérience" pour l’essai de nouvelles plantes destinées à l’amélioration de l’agriculture ; des essais originaux, parfois infructueux. Les préfets et sous-préfets y jouent un rôle primordial d’incitation à ces nouvelles cultures et ce sont eux qui sollicitent les agriculteurs.

L’élevage

  • Les chèvres :

Le préfet Texier-Olivier prend en 1802 un arrêté qui défend les chèvres dans tout le département, ces animaux faisant trop de dégâts partout. Les maires réagissent aussitôt à cette annonce qui, comme l’écrit le maire de Faucon, "a jeté la consternation parmi les habitants lesquels privés de cette ressource n’auront pas même de quoi assaisonner leur soupe, réduits à la plus affreuse misère, seront dans l’impossibilité de payer les contributions et forcés d'abandonner le pays".

En 1818, chaque commune est autorisée par arrêté préfectoral à élever un nombre de chèvres en tenant compte de l’étendue de terre vaine et vague qu’elle possède (ceci vérifié par le Direction générale des domaines et forêts). D’après l’ouvrage de l’Abbé Féraud, les chèvres sont encore au nombre de 23 117 en 1857.

  • Les yaks :

En 1854, deux yaks, ou "bœufs à queue de cheval", sont offerts par le ministère de l’Instruction publique et des cultes au comice agricole de Barcelonnette afin d’étudier leur acclimatation. "Leurs qualités devraient être précieuses pour le pays; très utilement employés comme bêtes de somme ou de trait, ils devraient devenir un excellent auxiliaire de l’habitant des montagnes". Les yaks arrivent depuis le Musée d’histoire naturelle de Paris jusqu’à Lyon par chemin de fer; alors, le comice agricole de Barcelonnette se charge de leur conduite, à pied, jusqu’à Barcelonnette en septembre 1854.

En 1869, le secrétaire de la Société d’agriculture exprime son embarras au préfet : les yaks occasionnent des dépenses annuelles d’environ 400 F ; de plus, ces animaux ne peuvent remplacer ni cheval, ni bœuf, " ni rien ". Finalement, en 1871 c’est le Roi d’Italie qui prend le troupeau de yaks expédiés à Turin certainement au grand soulagement de tous.

  • Le mouton

L’arrivée des mérinos dans le département a lieu en 1801 et ils sont destinés au citoyen Lalance : il s’agit d’un bélier et de trois brebis qu’il paie 50 F chaque.

Informé des ravages occasionnés par les loups, le préfet s’adresse à tous les maires du département pour commencer leur destruction, non par des battues "qui obtiennent rarement quelque succès", mais en les empoisonnant.

La forêt

Le manteau végétal dont l’aspect est souvent maigre et lâche dans les Alpes du sud n’est pas le seul résultat du climat et de la nature des roches. Dès l’Antiquité, les hommes ont fait reculer les arbres pour asseoir leurs cultures. Au Moyen Âge, les abbayes ont constitué de grands domaines sur lesquels s'est développée l’activité pastorale. C’est à cette époque que se situent les grands défrichements avec une pratique constante et acharnée des essarts. La déforestation et l’utilisation intensive du bois pour les besoins domestiques ont accentué les méfaits des torrents qui ont engendré des désastres en emportant les meilleures terres.

L’idée d’un reboisement méthodique des montagnes apparaît au début du XIXe siècle.
La loi votée en 1860 et complétée en 1882 par de nouvelles dispositions sur la conservation et la restauration des terrains de montagne, permet à l’administration des Eaux et Forêts d’entreprendre une œuvre considérable sous la conduite de Prosper Demontzey. Les travaux débutent au Labouret en 1863 et prennent une très grande ampleur entre 1882 et 1910 grâce à l’acquisition de vastes territoires par les Domaines. L’une des plus belles entreprises a concerné le bassin du Riou-Bourdoux en Ubaye.

Le travail

  • Le travail des enfants

Le développement de l’industrie, l’accroissement numérique de la population ouvrière, soumise à des conditions de travail extrêmement dures, provoque l’intervention de l’État. La loi du 22 mars 1841 constitue un premier facteur de progrès, interdisant le travail des enfants de moins de huit ans. En 1841, comme en 1874 (après la promulgation de la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des filles mineures dans l’industrie) le préfet nomme cependant un inspecteur par arrondissement.

  • La durée du temps de travail

C’est le décret du 9 septembre 1848 qui fixe la durée du temps de travail à 12 heures maximum par jour. Afin de contrôler son exécution, une circulaire ministérielle aux préfets demande des renseignements sur la situation locale : le préfet David de Thiais répond que dans la vingtaine de fabriques du département les ouvriers dépassent rarement cette limite mais demandent toutefois une surveillance par des inspecteurs.

  • Les grèves

Une grève de 200 ouvriers travaillant au percement du tunnel de la Colle-Saint-Michel, à Fontgaillarde (ligne de chemin de fer en construction) commence le 24 juin 1901. Les ouvriers demandent la journée de 8 heures au lieu de 11 en maintenant le même salaire. À la demande du sous-préfet, un début de négociation a lieu et des interventions du juge de paix et du conseiller général Adrien Roux se sont produites. Pourtant, tous les grévistes reprennent leur travail à partir du 29 juin, après cinq jours de grève, aux mêmes conditions qu’avant.

Les voies de communications

  • Les routes

Jusqu’au XVIIIe siècle les voies de communications sont souvent réduites à de simples chemins muletiers. Les grands travaux entrepris aux XIXe et XXe siècles ont marqué définitivement le paysage de leur empreinte.

  • Les ouvrages d’art

Le réseau de voies de communication a imposé la réalisation d’ouvrages pour le franchissement des ravins et des cours d’eau. Excepté à Sisteron, la Durance n’était franchie qu’avec des bacs et les ponts consistaient presque toujours en passerelles menacées et emportées par les crues. Au XIXe siècle, avec le développement des communications et des techniques, les ouvrages d’art prennent une grande ampleur : d'imposants ponts et viaducs en pierre, fer et béton se multiplient.

  • Le chemin de fer

La ligne des Alpes :

En 1857, le réseau ferré exploité en France atteint 8 700 km. L’étude d’un chemin de fer des Alpes est à l’ordre du jour, notamment avec les travaux de Beau de Rochas, mais la crise financière commence à faire sentir ses effets et c’est au nord des Alpes que vont s’effectuer les percées alpines au détriment du sud. Ainsi, alors que les chemins de fer se sont considérablement développés sous le Second Empire, ils ignorent toujours les Basses-Alpes en 1870.

Le projet définitif du premier tronçon de la ligne des Alpes implanté dans le département des Basses-Alpes depuis Pertuis jusqu’à Volx n’a été approuvé qu'en 1867. La première partie de la ligne ouverte dans le département ne le sera qu’en 1872.

Pour achever la ligne des chemins de fer de la Durance dans la traversée du département, les travaux sont menés activement : la traversée de Sisteron nécessite des chantiers importants avec le passage en tunnel sous la citadelle puis la réalisation d’un viaduc pour franchir le Buech. Le premier train parvient en gare de Sisteron le 25 novembre 1872.

La ligne Digne-Nice

Voulue dès 1860 lors du rattachement de Nice à la France, la ligne de chemin de fer de Nice à Digne fait l’objet en 1872 d’un avant projet par l’ingénieur Lefèvre, également député des Alpes-Maritimes. Mais la commission centrale des chemins de fer estime, compte tenu de la configuration du terrain, que la dépense est hors de proportion avec les recettes probables. Dix ans plus tard, le Conseil général obtient que l’administration du chemin de fer prescrive des études. En 1881, la ligne n’est pas irrémédiablement condamnée, un tronçon de Digne à Saint-André est déclaré d’utilité publique le 28 juillet 1881.

La section de Digne à Mézel est inaugurée le 14 août 1891 et le tronçon de Mézel à Saint-André est mis en exploitation le 15 mai 1892. Bien que le tunnel de la  Colle soit achevé en 1903, il faudra encore huit ans pour la mise en service de l’ensemble de la ligne ; son inauguration peut enfin donner lieu à de grandes manifestations à Digne et à Nice du 5 au 7 août 1911 en présence de M. Augagneur, ministre des Travaux Publics.

Les équipements hydroélectriques

Le Verdon :

Pour faire face aux besoins croissants en énergie électrique et en eau pour l’irrigation, l’aménagement du Verdon est engagé dans le cadre d’une loi promulguée en 1923. C’est en 1928 que les travaux sont lancés par la Société Hydroélectrique du Verdon qui obtient les concessions de Castillon et de Chaudanne ; ces travaux sont réalisés par une entreprise allemande au titre de la réparation des dommages de guerre. Arrêtés en 1932 à la suite de la faillite de la société, les travaux sont repris en 1938 par l’Énergie électrique du Littoral méditerranéen. Les ouvrages de Castillon sont mis en eau au printemps 1949 et ceux de Chaudanne l’hiver 1952 par Électricité de France.

La Durance :

En 1856, à la suite d’une forte crue de la Durance causant de gros dégâts, le gouvernement demande aux Ponts et Chaussées d’étudier un barrage sur la Durance, le site de Serre-Ponçon est choisi. En 1912, une galerie est ouverte à la cote -50, elle est envahie par une nappe thermale  à 60 degrés : l’idée d’un barrage classique en béton est abandonnée. La nationalisation de l’énergie hydroélectrique a conduit Électricité de France, dès
sa fondation en 1946, à reprendre la question du barrage de Serre-Ponçon.

Les études entreprises ont montré que le problème d’un barrage à Serre-Ponçon qui paraissait insoluble était devenu abordable grâce à la nouvelle technique des "digues en terre" mise au point aux États-Unis. La retenue de Serre-Ponçon sera la plus importante d’Europe avec un milliard de mètres cubes d’eau. La masse d’arrêt sera une véritable montagne artificielle d’une hauteur de 120 mètres et d’une épaisseur de 600 mètres à la base et 30 mètres au sommet. En juin 1952 a lieu l’enquête publique. Les travaux débutent en 1956 et durent 3 ans ; la mise en eau est effectuée le 16 novembre 1959.

La santé

  • Réglementation de la médecine, organisation, contrôle

Les lois de 1802 marquent le début de l’organisation de la médecine et luttent contre le charlatanisme. Des cours d’accouchement pour la formation des sages-femmes visent à remplacer les "matrones". Des médecins des épidémies sont nommés dans chaque arrondissement pour donner des soins gratuits aux indigents. L’assistance médicale ne sera généralisée qu’en 1893.

  • La prévention

Au début du XIXe siècle, la médecine a fait des progrès décisifs et les hommes éclairés sont convaincus de l’efficacité de la vaccination. Cet état d’esprit triomphe plus tard avec Pasteur et de nouveaux vaccins apparaissent contre le choléra, la peste, la fièvre typhoïde, la tuberculose etc.

En 1807, le ministre de l’Intérieur décide d’employer tous les moyens de persuasion et d’encouragement propres à faire adopter cette pratique dont le préfet est chargé de l’organisation.

  • Les épidémies

De nombreuses épidémies, dont la peste, ont causé des ravages terribles dans l’histoire de Haute-Provence. Dès l’an XIII, le préfet transmet aux sous-préfets des médicaments reçus du ministère pour le traitement des " épidémies de campagne " permettant le traitement des maladies.

Le choléra, apparu en France en 1835, sévit également dans le département ; ainsi on dénombre 438 cas dont 243 décès en novembre 1839. Le sous-préfet de Sisteron alarme d’ailleurs le préfet en juillet 1835 : tous les moyens sont utilisés pour fuir et s’éloigner de l’épidémie; "Que Dieu nous préserve du fléau", écrit-il.
Si les mesures d’hygiène permettent de maîtriser finalement l’épidémie, elle reprend très vivement en 1884. Diverses souscriptions sont lancées pour venir en aide aux communes des Basses-Alpes éprouvées par le choléra.

Secours et solidarité

Afin de soulager la misère de la population de Sisteron, composée de 4 000 âmes, le bureau de bienfaisance de cette ville avait organisé l’œuvre de la Miséricorde répondant aux fonctions d’un mont de piété. En effet, de 1812 à 1832, 67 personnes déposent des biens (crochets, boucles, croix, ceintures…) pour une valeur totale de 1141,97 F et des intérêts de 737,90 F. Le préfet souhaite donc régulariser cette gestion et créer un mont-de-piété.

L'éducation

  • Repères chronologiques

Condorcet propose en 1792 l’ouverture d’une école primaire dans tout village de 600 habitants, mais la Révolution n’a pas eu les moyens de sa politique. Dès le début du XIXe siècle, les gouvernements n’ont cessé de provoquer la création d’écoles primaires dont ils n’ont pu assurer ni le fonctionnement ni le contrôle.

L’accroissement des ressources du pays rend enfin possible l’extension de la tutelle de l’État qui contraint les communes à ouvrir une école primaire : ce sont les résultats des lois Guizot (1833), Victor Duruy (1867) et Jules Ferry (1881-1882).

  • 1833-1835 : création de l’inspection académique.
  • Décret du 9 mars 1852 : nomination des instituteurs par le recteur départemental.
  • Loi du 14 juin 1854 : nomination des instituteurs par le préfet (suppression des recteurs départementaux).
  • Circulaire du 20 août 1866 : création du certificat d’études.
  • 1879 : obligation d’ouverture d’une école normale par le département.
  • 1889 : Les instituteurs sont payés par l’État.

Quelques chiffres : en 1843-1844, il y a dans le département des Basses-Alpes 542 écoles tant publiques que privées (garçons et filles) pour 17 552 élèves (selon le rapport au préfet de l’Inspecteur des écoles B. Poujoulat). Il y a alors dans le département 156 000 habitants.

  • Le préfet nomme, révoque

Selon la loi du 11 floréal an X [1er mai 1802] l’instituteur est choisi par le maire et le conseil municipal ; par la loi Falloux de 1850, les municipalités choisissent les instituteurs sur une liste d’aptitude dressée par le conseil académique. Puis, le décret de 1852 confie aux recteurs départementaux leur nomination et ne reconnaît aux municipalités qu’un droit d’avis. Enfin, lors de la suppression de ces recteurs en 1854, les préfets héritent de cette attribution et nomment les instituteurs sur rapport écrit de l’inspecteur d’Académie ; la Troisième République conserve d’ailleurs ce système.

  • La construction des écoles

Le développement de l’enseignement à partir de la Monarchie de juillet oblige les communes à se mettre à la recherche de locaux destinés à accueillir les élèves. La loi Guizot, qui oblige les communes à devenir propriétaires des écoles de garçons ou écoles mixtes, favorise le mouvement des constructions nouvelles.

Mais certaines communes rencontrent des difficultés pour financer les travaux : aussi les pouvoirs publics créent-ils en 1878 une caisse des écoles chargée de les financer en partie.

Enfin, en 1885, la caisse des écoles est supprimée et l’État accorde directement les subventions aux communes. Le préfet surveille la construction, contrôle les propositions de la commune, prend l’avis de l’inspecteur d’Académie et du conseil d’hygiène, transmet les demandes de subvention… et enfin autorise l’ouverture de l’école.

Protocole, fêtes et cérémonies

Le préfet a depuis la création de sa fonction un rôle de représentation : au nom de l’État il se doit d’animer un certain nombre de manifestations.
La plus importante reste cependant l’accueil de chefs d’État.

Les cultes

Le Concordat

Après la Révolution, le Premier Consul commence par une série de mesures d’apaisement : retour des prêtres réfractaires, suppression de l’ancien serment remplacé par une simple déclaration de fidélité à la Constitution, réouverture des églises. Les négociations avec le Pape en vue d’un concordat sont difficiles et nécessitent vingt-et-une rédactions successives : le Concordat est signé le 16 juillet 1801, il règle l’exercice du culte catholique en France et liquide les difficultés accumulées entre l’Église et l’État. Le Concordat (17 articles) avec ses "articles organiques" (77) est voté le 8 avril 1802.

Rétablissement de la religion : lettre circulaire du préfet aux maires du département,6 nivôse an XI (1 V 1).

  • Entre laïcité et religion

Sous la Troisième République, le préfet est souvent sollicité comme "médiateur" pour les querelles entre curés et instituteurs.

  • La séparation des églises et de l’État

La loi du 9 décembre 1905 décide la séparation de l’Église et de l’État, assurant la liberté de conscience et des cultes, mais rompant le Concordat de 1801 après quatre années, durant lesquelles les ministres du culte sont indemnisés, toute subvention leur est ensuite retirée. Les biens ecclésiastiques sont transférés à des associations.

La loi prescrit de faire l’inventaire des objets du culte et du mobilier des églises avant de les transmettre aux associations cultuelles, ce qui a souvent provoqué des manifestations. Le préfet a pour mission de veiller à la bonne réalisation de ces inventaires.

   
 

LE PRÉFET EN TEMPS DE GUERRE

La guerre de 14-18

La solidarité des Bas-Alpins est également sollicitée pour l’accueil des réfugiés. En effet, à la suite du repli des troupes françaises sur la Marne en août 1914, l’exode des populations du nord de la France entraîne l’installation de plusieurs centaines de réfugiés dans de nombreuses communes du département.

L’une des caractéristiques de la première guerre mondiale est l’apparition de nouvelles armes : avion, char d’assaut, sous-marin. L’essentiel des bombardements stratégiques est d’abord assuré par les dirigeables avec des raids de Zeppelins allemands dont certains s’égarent au-dessus des Basses-Alpes. L’un d’entre eux s’écrase à Mison en octobre 1917.

La seconde bataille de la Marne, engagée le 18 juillet 1918 amène en quatre mois, par une série de " coups de boutoir ", la reconquête de toute la France du nord et l’effondrement allemand. L’annonce de l’armistice du 11 novembre 1918 soulève l’enthousiasme de la population.

La seconde guerre mondiale 1939-1945

Après l’armistice du 22 juin 1940, les Basses-Alpes se trouvent dans la zone sud dite zone libre. Le gouvernement s’installe à Vichy et le 10 juillet 1940 l’Assemblée nationale à une large majorité accorde les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, avec la mission de doter la France d’une nouvelle constitution. À partir du 11 juillet 1940 commence l’État Français dont le chef, Philippe Pétain, ne rédige pas la constitution prévue. Le chef de l’État nomme et révoque les ministres à son gré, il supprime les partis et les élections.

Progressivement des mesures discriminatoires sont prises, en particulier contre les juifs avec les lois antisémites. La collaboration avec les Allemands s’accentue fin 1940 et surtout à partir d’avril 1942 avec le retour au pouvoir de Pierre Laval qui a la direction effective de la politique intérieure et extérieure.

Le 11 novembre 1942 les troupes allemandes envahissent la zone libre. Les Basses-Alpes sont d’abord situées dans la zone d’occupation italienne mais, après le débarquement allié dans la baie de Naples le 9 septembre 1943, la Wermacht occupe les territoires tenus par l’armée italienne.

Le service du travail obligatoire (S.T.O.) est institué par le gouvernement de Vichy le 2 février 1943, sous la pression des Allemands, afin de fournir de la main d’œuvre aux usines du Reich.

Du 14 au 20 août 1944, les Basses-Alpes sont libérées par les armées alliées et la résistance bas-alpine. Le 20 août a lieu à Digne un défilé qui, parti de la préfecture, se rend au rond-point de la rue Colonel Payan pour remettre solennellement en place l’effigie de la République française.

   
 

LE PRÉFET SOUS LA Ve RÉPUBLIQUE

Des repères : décentralisation-déconcentration

La décentralisation : 

la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 votée à l'initiative de Gaston Defferre, ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, fixe les droits et libertés des collectivités locales. Elle modifie profondément l’organisation territoriale de la France en transférant de nombreuses compétences aux collectivités locales.

Le président du Conseil général devient l’exécutif du département.

En 1969, le département des Alpes-de-Haute-Provence compte 237 communes dont une part ne peut assurer l’entretien et la mise en place de services minimum à la population. À la suite de la publication de la loi du 16 juillet 1971, le Préfet Arbelot s’engage personnellement dans l’élaboration d’un plan départemental de fusion et de regroupement qui conduira à la suppression de 38 communes. Le souci du Préfet Arbelot d’actualiser les structures communes à l’issue d’un mouvement de dépopulation plus que centenaire, en s’abstenant de céder à la tendance d’un regroupement massif, fut salué par de très nombreux élus. La réussite de cette opération peut se mesurer par l’existence d’une seule scission, en janvier 1980. Le département compte aujourd’hui 200 communes.

Par ailleurs à l’issue d’une procédure de consultation des organes délibérants locaux, le préfet Thisy adressa un rapport au ministère de l’Intérieur, qui conduisit à la nouvelle dénomination du département : les Alpes-de-Haute-Provence sont nées par décret du 13 avril 1970.

La déconcentration :

La loi d’orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République amorce un profond mouvement de déconcentration. Il s’agit de transférer des compétences exercées par l’État au niveau central vers les échelons territoriaux de l’État. Ainsi les pouvoirs des préfets sont-ils renforcés, ce qui leur permet de prendre des décisions locales importantes qui les situent en qualité d’interlocuteur incontournable des collectivités locales. En effet, face à des élus aux pouvoirs renforcés par la décentralisation, le préfet doit disposer d’un réel pouvoir de décision. Pour l’État, la déconcentration est donc le pendant indispensable de la décentralisation. Cette démarche s’accompagne d’un effort de globalisation des moyens et de modernisation des services publics.

EXEMPLES D'ACTIONS DES PRÉFETS DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE SOUS LA Ve RÉPUBLIQUE (entre les années 60 et 90)

Il appartiendra aux préfets successifs, en relation avec les collectivités locales, de structurer et d’aménager le département pour
le sauver de la désertification qui le guette : communes pauvres, rentabilité de l’agriculture insuffisante et absence d’organisation dans la commercialisation.

La restauration des infrastructures et la naissance d’un tourisme intégré

Dès 1964, le préfet Thisy engage des études prospectives afin de trouver les moyens susceptibles de stopper le déclin de certaines zones du département et de déterminer celles où l’action de l’État doit être engagée et soutenue.

À cette époque, le tourisme occupe une large place dans les préoccupations de l’administration. Il apparaît comme le seul élément susceptible de jouer un rôle déterminant dans le développement de l’économie.

On fonde de grands espoirs sur le regain d’activité qu’il pourra générer dans les zones rurales pour freiner leur dépeuplement. Innovant au plan national, le préfet Thisy finance les premiers "gîtes ruraux" qui permettent, par ailleurs, la restauration du patrimoine privé et public (gîtes-écoles, gîtes-postes, gîtes-mairies).

Les sports d’hiver

Dans la vallée de l’Ubaye, la plus touchée par l’émigration, mais qui dispose d’un " capital neige " important, dont la valeur avait été reconnue par la " commission interministérielle pour l’aménagement de la montagne ", les investissements se sont multipliés dans les années 1970-1975.

Parmi les stations aménagées depuis longtemps, l’extension de celle du Sauze à Enchastrayes et de celle de Pra-Loup à Uvernet-Fours a été retenue au nombre des investissements prioritaires de catégorie A à réaliser au cours du Vème plan en raison de la valeur de leur site.

Simultanément, la politique de rénovation rurale en montagne engagée par la Datar est mise en œuvre par le préfet Rouaze sur deux secteurs de montagne bien délimités : la vallée de l’Ubaye pour la réalisation d’équipements publics prioritaires; la région de Seyne avec l’aide à la création de la station de sports d’hiver du col Saint-Jean à Montclar, l’aménagement de son domaine skiable et la réalisation de divers équipements nécessaires à la station.

Le thermalisme

 Les ressources thermales de Gréoux-les-Bains sont remises en valeur et la station connaît notamment à partir de 1975 une expansion importante.

Créer des équipements structurants

Les grands travaux d’aménagement hydraulique

Le préfet Ériau met en œuvre les dispositions de la loi d’aménagement de la Basse-Durance du 5 janvier 1955. L’aménagement du barrage de Serre-Ponçon en constituait l’élément principal et fut complété par les ouvrages de Sisteron, Volonne et l’ensemble du Bas-Verdon. Le préfet Ériau et ses successeurs tentent de convaincre les élus, conduisent les enquêtes publiques et répondent aux problèmes indirects importants liés à ces aménagements (déplacement de population, destruction de biens). Les barrages répondent à plusieurs fonctions structurantes : la régulation de la Durance et la prévention des crues, l’irrigation et l’aspersion pour la mise en valeur des terres agricoles, l’autosuffisance énergétique du département, le développement touristique. 

L’aménagement de l’aire spéciale d’Albion

En 1966 l’État décide l’implantation de la base stratégique d’Albion qui permettra le développement de l’ouest du département notamment par la mise en place d’une station de pompage de 3 600 m3/jour bénéficiant à 11 communes.

Le préfet en 1995 est chargé de la mise en œuvre du programme Konver afin d’accompagner la restructuration de ce site.

L’axe autoroutier du val de Durance

L’axe routier Marseille-Briançon est inscrit comme grande liaison d’aménagement du territoire du schéma directeur routier national. Le préfet Chassagne conduit l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique de l’autoroute, les enquêtes publiques par tronçon et veille au dispositif d’indemnisation. Le tronçon Venelles-Sisteron est ouvert à la circulation le 28 juin 1990.

La desserte gazière Cabriès-Manosque-Gap et son antenne de Digne-les-Bains

Le 7 juin 1967, la société Shell est autorisée à procéder à la recherche de cavités souterraines destinées au stockage d’hydrocarbures. Le périmètre de l’autorisation a été ensuite étendu, après enquête et instruction des dossiers par les préfets, au fur et à mesure de la reconnaissance de poches de sel de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur, situées entre 338 et 1 549 m de profondeur par dissolution à l’eau douce.

Ainsi, les sociétés Shell, BP, Elf disposent-elles de 36 cavités sur le territoire des communes de Manosque et Saint-Martin les-Eaux pour un volume total de 9 577 000 m3. Le volume utile du site de Géosel se situe parmi les plus importants au monde.

En 1990, le GIE Géométhane est créé pour exploiter sept cavités en vue du stockage de gaz naturel à l’usage exclusif de Gaz de France.

Le préfet Montchovet est nommé préfet coordonnateur. Il prescrit les enquêtes publiques et instruit le dossier de déclaration d’utilité publique. Cette réalisation facilite la construction du gazoduc du Val de la Durance et de son antenne de Digne-les-Bains permettant ainsi l’alimentation de 22 communes. Le préfet Montchovet en liaison avec les services déconcentrés de l’État (notamment la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, la direction départementale de l’agriculture et de la forêt…) veille à l’impact sur l’agriculture et l’environnement ainsi qu’à la sécurité et à l’indemnisation des propriétaires.

La création du Parc national du Mercantour

Le préfet Chassagne conduira la négociation pour la création du Parc national du Mercantour dont 15 445 hectares de la zone centrale se trouvent dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le classement interviendra par décret du 18 août 1979.

La réserve géologique

En application de la loi sur la protection de la nature, le préfet Guyon instruit le dossier de création de la réserve géologique de Haute-Provence porté par l’Université de Provence et la ville de Digne-les-Bains. Il s’agit d’une première en France. Le préfet négocie avec les communes concernées et diligente une enquête publique. Créée par décret le 31 octobre 1984, elle constitue l'une des plus grande réserve géologique d’Europe.

Le classement des gorges du Verdon

Le préfet Montchovet est nommé coordonnateur pour conduire le classement des gorges du Verdon sur le département des Alpes-de-Haute-Provence et du Var. Le préfet présidera de nombreuses réunions de concertation afin de trouver un consensus sur le périmètre et concilier les intérêts contradictoires. Le site sera classé par décret du 26 avril 1990.