Les locaux de la Sous-préfecture

 
  La Sous-préfecture à Castellane : un petit chef-lieu, de nombreux déplacements
Curieusement, la population castellanaise, si attachée à son statut de chef-lieu d'arrondissement, n'a gardé que peu de souvenirs quant aux emplacements successifs de sa sous-préfecture. Il faut dire que beaucoup de bâtiments s'enorgueillissent d'avoir, à une époque ou à une autre, abrité le représentant de l’État. 
 
Il semble établi que la sous-préfecture fut premièrement installée dans la rue Basse, vers le milieu de sa longueur et du côté opposé au village. Il s'agit de la maison que l'on peut voir aujourd'hui au 34 de la rue Nationale, et qui abrite au rez-de-chaussée le Conservatoire des Arts et Traditions Populaires.
 
L'abbé Laurensi fait mention de l'histoire du bâtiment. Cette grande maison de la rue Basse (ou du Vallat), avec son beau jardin sur l'arrière, fut donnée au début du XVIIIème siècle aux pères de la Doctrine chrétienne par le sieur Martini, seigneur de Brenon, à charge pour eux de demeurer à Castellane. Ces pères, qui dirigeaient le séminaire du diocèse de Senez, préparaient de la sorte la transférence annoncée du siège épiscopal à Castellane. Celle-ci n'ayant pas eu lieu, la maison fut abandonnée près de vingt ans et pillée. M. de Vocance, évêque de Senez, la fit rénover en 1748 et y établit des prêtres séculiers pour diriger ses ecclésiastiques.
 
Le bien fit ensuite partie des confiscations de l’État sous la Révolution. Il abritait vraisemblablement le conseil d'arrondissement, en 1800, lorsque y fut aménagé l'hôtel de la sous-préfecture.
 
La maison de la rue Basse n'abritait déjà plus le sous-préfet lorsque s'y arrêta Napoléon Bonaparte pour y déjeuner, le 3 mars 1814 (les historiens désignent l'adresse comme l'ancien hôtel de la sous-préfecture). Notons que l'Empereur fut accueilli par la population avec plus de curiosité que de sympathie. Une plaque commémore le passage de l'Empereur, sur la façade au 34 rue Nationale. Elle y fut posée en 1930 par le syndicat d'initiative, à l'occasion du baptême de la route Napoléon.
 
La seconde adresse de la sous-préfecture n'est pas connue avec certitude. Un document d'archives fait mention de la rue Coffe en 1846, depuis lors débaptisée.
 
Les inventaires des biens du service, en 1851, 1856 et 1866, placent la sous-préfecture dans la Plus basse rue. S'agit-il de la rue Basse, dite du Vallat ? C'est peu probable. Il s'agit plus vraisemblablement de l'actuel boulevard de la République, dont les maisons avaient été édifiées peu avant sur la place de Grave, en bordure du Verdon. Dans ce cas, tout laisse à penser que la sous-préfecture occupait la maison centrale, aujourd'hui à l'enseigne de Ma petite auberge, dont nous reparlerons.
 
En 1872, on retrouve la sous-préfecture dans la rue Nationale (qui a gardé ce nom), mais sans l'adresse exacte. Avait-elle réintégré l'hôtel de ses débuts ? Un inventaire du 9 novembre 1878 laisse à penser le contraire, puisqu'il ne mentionne que deux étages (au lieu de trois) donnant sur jardin. Il pourrait s'agir en fait d'une maison voisine, du même côté de la rue, de belle allure quoique moins grande.
 
Par bail du 31 octobre 1882, le sous-préfet Abeille prend en location aux demoiselles Chauvin une nouvelle maison de 4 étages sur la place de la Liberté, moyennant un loyer annuel de 1600 francs. Il s'agit ainsi de la cinquième adresse connue. La maison existe encore de nos jours; sur cette place, au bas du boulevard Saint-Michel, se trouve actuellement le monument aux morts.
 
Quatre ans plus tard, en 1886, un document place de nouveau la sous-préfecture rue Nationale et l'année suivante, un nouvel inventaire du mobilier mentionne un bâtiment de 3 étages. Il y a donc lieu de penser que l'hôtel avait réintégré sa première adresse, l'étape napoléonienne.
 
En 1896, la sous-préfecture est installée au boulevard Saint-Michel. S'agit-il en réalité, à nouveau, de la maison des demoiselles Chauvin, place de la Liberté? Rien ne permet de le penser (le lieu était de façon constante désigné comme une place). On peut donc en déduire qu'une autre maison accueillait les services de l’État, probablement l'une de celles qui font face à la place du monument aux morts.
 
En 1921, il est fait mention de la sous-préfecture au boulevard de la République. Il s'agit sans ambiguïté de l'immeuble sur la place Marcel Sauvaire, avec jardin sur l'arrière donnant sur le Verdon, occupé de nos jours par l'hôtel restaurant Ma petite auberge. Une anecdote concerne la porte d'entrée de l'édifice ; ce serait celle que le sous-préfet avait fait réaliser lorsque l'hôtel se trouvait dans la rue Nationale, et qu'il aurait emportée avec son mobilier. Cette porte est encore visible de nos jours à l'entrée de l'auberge. La sous-préfecture se trouvait encore au boulevard de la République lorsqu'elle fut supprimée en 1926.
 
Seize ans plus tard, lorsqu'il fut décidé de la rétablir en juin 1942, la sous-préfecture fut installée exactement de l'autre côté de la place principale, dans les anciens locaux du palais de justice. L'édifice, de belle allure avec ses chaînages et voussoirs de pierre en plein cintre, est occupé de nos jours par la Caisse d'épargne. Le tribunal civil, lui, ne fut pas rétabli.
 
Après la guerre vinrent les grands travaux, avec la construction des barrages de Castillon et Chaudanne sur le Verdon. Parallèlement, le sous-préfet Teitgen, qui a laissé le souvenir d'un homme entreprenant et dynamique, installa en 1949 la sous-préfecture dans une villa bourgeoise construite dix ans plus tôt. Les services de l’État s'y trouvent encore, et chacun apprécie le grand jardin et le charme du lieu, situé à moins d'un demi kilomètre du centre-ville.
 
En à peine deux siècles, la sous-préfecture aurait ainsi occupé huit adresses différentes et connu dix déménagements ! La fréquence de ces mouvements, précisément, explique peut-être la difficulté de retrouver des archives retraçant l'activité des services.